La naissance d’une houle

La vie d’un danseur est pleine de rebondissement. C’est une vie exaltante au premier abord car on y découvre un autre univers qui nous fascine et bouleverse notre quotidien. Fini le métro-boulot-dodo tant redouté, l’effet canapé devant la télé ! Dorénavant, une chose est constante dans votre esprit : Quand se déroule la prochaine soirée ?

Et c’est parti pour le planning de la semaine, tel un Tyler Durden qui trouve un sens à son quotidien à travers les réunions de troubles physiques ou mentaux, nous blindons nos soirées pour s’occuper au maximum. On ajoute les Djs à notre liste de contacts facebook pour ne pas louper LA soirée, l’actu dansant de la semaine, on « s’intéresse », on « participe » : les réseaux sociaux n’ont jamais été aussi utile maintenant que notre cercle d’amis est beaucoup plus conséquent, et ayant le même centre d’intérêt que nous ! La vie a du mordant ! Il faut en profiter au maximum pendant que l’on a les capacités physiques pour le faire. Il faut y aller, ça va être génial au vu du flyer, c’est vital…un besoin ?

La spirale est lancée et tel Christophe Colomb à la découverte de l’Amérique, nous explorons ce nouveau monde qui va nous ouvrir de nouveaux horizons et surtout provoquer des vagues incessantes sur notre équilibre personnel.

Vadim Zealand, l’auteur de la série des Transurfing, qualifierait de balancier supplémentaire et c’est exactement de ça dont il est question, la propension du balancier « danse » qui influent sur notre vie.

Je suis la dépendance de « Jack »

En écrivant ces lignes, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec le film « Fight Club » dont un article y sera consacré. Je trouve que chacun de nous à un Tyler Durden qui nous asservi ou que nous parvenons à maîtriser. Bien souvent, nous aspirons à être quelqu’un d’autre, un autre moi mais en mieux, qui représente notre idéal. On veut avoir un meilleur travail, de plus grandes responsabilités, être plus aimé, être plus riche, à l’image d’Edward Norton qui voit en Brad Pitt l’accomplissement de ce qu’il voudrait être.

Tout le monde le fait, les gens aiment se parler à eux-mêmes, ils échangent beaucoup plus qu’avec l’extérieur, c’est ce qui différencie une personne lambda d’une personne jugé déficiente mentale, c’est juste une question de discrétion.

Et comme pour les réunions du Fight club, nous allons aux soirées dansantes de façon épisodique, puis ensuite de façon régulière jusqu’à en devenir accro, une nécessité d’y aller.

En dehors, nous n’avons pas les séquelles des coups portés par les bastons de la nuit dernière (quoique recevoir un coup de talon sur le pied ou un coup de coude sur le nez à cause d’un port de bras féminin mal exécuté, c’est tout comme !), mais lorsque nous croisons un des nôtres, nous nous sentons spéciales, surnageant parmi nos confrères qui subissent la linéarité du quotidien.

Les traces de la nuit passée nous permettent de nous sentir vivant. Et petit à petit, ce costume que nous avions du mal à porter devient notre camisole. Nous n’attendons qu’une seule chose : la prochaine soirée. Entre temps, nous nous mettons en condition, nous soignons notre nouveau moi, nous honorons notre transformation par des signaux extérieurs : de la tenue vestimentaire armé de gavroches ou de bérets, des musiques de notre activité que l’on balance à longueur de journée, aux statuts facebook qui partagent les évènements jusqu’à modifier son propre pseudonyme pour apporter un clin d’œil à notre activité principale « Jean-Michel Rumbero/Salsero » ou « Béatrice Latina », « insérez carrément l’activité que vous pratiquez ».

Et ce n’est pas fini, la ville où vous fréquentez les soirées dansantes devient trop petit pour vous, il vous faut afficher notre présence sur les réseaux sociaux sur X festival dans le monde entier tel un « projet chaos » qui gangrène toutes les frontières. On publie, on s’expose, on aime, on partage, on devient quelqu’un… quelqu’un que nous voulons vraiment être ? Comme dirait Tyler Durden « Si on se réveillait à une heure différente, dans un endroit différent, pourrait on se réveiller dans la peau d’une personne différente ? ».

L’agitation de nos tourments

On gagne en niveau, on progresse, on a des mentors pour nous à aller toujours plus haut et donc à sortir toujours plus.

Les nuits s’enchaînent, les rendez vous avec Morphée se raccourcissent ou carrément on lui pose des lapins, le corps subit mais se fait silencieux (il paraît que l’on appelle ça de la bonne fatigue), et nous nous complaisons à bercer notre routine par du bruit incessant du matin jusqu’au milieu de la nuit.

Quel est ce besoin de sortir tout le temps ? Aime t-on vraiment danser ou c’est une peur de rester chez soi, la peur du silence, d’être enfin avec soi-même ?

Mener une activité comme une échappatoire est une raison comme une autre, il n’y a pas de bonnes ou mauvaises raisons. Cependant, je pense qu’il est important de se poser les bonnes questions sur l’incidence qu’à la danse sur notre vie.

Et si ce besoin de sortir constamment en soirée était une volonté de compenser l‘ennui de nos vies ?

Pour répondre à cette question, une autre au préalable se présente : comment définir l’ennui ?

L’ennui est source d’inaction, une sensation de vide, plus précisément d’un manque de stimulation qu’elle soit intellectuelle ou physique.

Si on s’ennuie sur le lieu de travail, on peut consulter un magazine ou sortir le smartphone, consulter ses mails etc… Tout est fait dans notre société actuelle pour bannir l’ennui. Tu ne sais pas quoi faire ? Tiens une stimulation extérieure, regarde cette publicité au lieu d’attendre ton bus sans rien faire, ou regarde le message qui vient d’apparaître !

Prendre conscience de ce sentiment d’ennui et d’impatience est la fin même de ces ressentis ; elle laisse place, au calme et au silence. Tyler Durden le souligne également : « Dans un total oubli de soi même, envahi par la nuit, le silence et la plénitude, j’avais trouvé la liberté ».

L’équivalent du bruit extérieur, c’est le bruit intérieur de la pensée comme le définit Eckhart Tolle. « L’intelligence véritable agit dans le silence, que ce calme est la zone de la créativité et des solutions ». Je pense que cela se reflète parfaitement à l’heure où celui qui crie le plus fort reçoit le plus d’attention à l’image d’Internet.

Il faut absolument remplir nos vies, s’agiter constamment, lutter, faire des efforts… mais pas tant que ça au final.

Se recentrer et connaître ses objectifs sont des moyens pertinents pour savoir si nous sommes dans la passion ou dans l’addiction. Comment vouloir aller au bout de choses qui n’ont pas de limites ? Où peut-on placer le curseur pour maintenir un équilibre harmonieux et épanouissant ?

Bien que j’ai la sincère conviction que nous avons été crée à l’image de Dieu (et il n’est pas question de religion ici), il est important de soulever la gestion de notre égo dans cette prétention à vouloir être meilleur dans un domaine. Pour citer une dernière fois Tyler Durden, nous ne sommes pas un flocon de neige exceptionnel, nous sommes issus de la même substance que tout le reste.

Il faut se rappeler que l’épreuve du temps nous ramènera à ce que nous étions à la base, une pensée créatrice manifestée par une cellule féconde, qui terminera en poussière sur le chemin qu’il aura tracé selon ses principes de vie.

Aimer les choses en conscience et que ces activités ne soient pas un camouflet mais un amplificateur de cette vie harmonieuse que vous souhaitez semé dans tous les domaines de votre vie et vous en tirerez tous les bénéfices, que ce soit dans l’esprit que dans la danse.